Suggestion d'ambiance musicale : ce texte peut être lu en écoutant la playlist Nuits d'insomnies au camping sur Spotify - (voici quelques titres si tu n'as pas Spotify : moon dance de Danny Elfman, Be my Doll d'Adrian Von Ziegler, Ghost Childrn de Bruno Coulais, Sister 1 de Jacob Renfield Boston, Meet Charlie de Douglas Pipes.)
17 septembre 2024 - Première nuit
Un gros ronflement me fait sursauter et me sort du sommeil lourd dans lequel je m’étais plongé la veille au soir. Je me suis endormie si vite, moi qui est le sommeil si capricieux d'habitude. On dirait bien que le voyage pesant avec Marco m’a complètement vidé de mes forces. Les premiers jours aux Sables d’Olonnes n’avaient pas rallumé la flamme qu’il espérait tant revoir briller et une ambiance lourde de sens s’était installée entre nous. Lorsqu’il m'a proposé ce voyage, je savais que rien ne pourrait sauver notre couple mais je l’ai laissé faire. C’est comme ça que j’ai toujours fonctionné, suivre ses délires, ses envies, ses caprices, même si cela me coutait. Et puis, peut-être ce voyage le convaincrait-il d'une rupture inévitable, m'étais-je dit. Pourtant, après 7 jours de voyage, sentimentalement vides, il n’avait toujours pas perdu espoir. C'est qu'il était coriace ! Il ne nous restait que 5 jours pour prendre une décision et j'espérais que ce serait pour lui le temps nécessaire à la compréhension qu'il serait inutile de continuer.
Les pensées se bousculent dans ma tête tandis que je me tourne pour observer le visage endormi de l’homme qui avait partagé ma vie pendant 3 ans. Il avait réussi à me convaincre de poursuivre le voyage, de lui laisser une chance jusqu’au bout de notre périple mais il arrivait bientôt à sa fin et je n’y voyais pas l’issue favorable si attendue. C’est la première nuit que nous passons dans ce camping de la Palmyre et déjà je ne dors plus. Cette relation… Quelle gâchis! Toutes ces choses que je n’avais pas voulu voir. Céline, ma meilleure amie, m’avait pourtant plusieurs fois mise en garde, « Red Flag! » me soufflait-elle régulièrement, un sourire d’avertissement solidement dessiné sur ses lèvres fines. Elle scrutait chacun de nos moments passés ensemble avec Marco et relevait les signaux l’avertissant d’une relation sans avenir. Vulgairement, Céline me mettait le nez dans ma merde chaque fois qu’elle le pouvait. Au fond, je les voyais aussi ces signaux… mais il était si beau mon grand blond aux yeux d’un bleu azur et au corps sculpté aux protéines et à la musculation. Oh pas besoin de le dire! Je sais à quel point j’ai été superficielle. Aujourd’hui, je me rends bien compte du ridicule mais à l’époque je venais d’avoir 32 ans et je le vivais assez mal. C’était si bon de me sentir désirée par un homme esthétiquement parfait. Et puis, j’aimais particulièrement voir les femmes le convoiter. Le savoir désiré par d’autres nourrissait agréablement mon égo et la jalousie cimentait notre couple. Mais le temps avançant, l’ennui remplaça la jalousie et il a bien fallu que je sortes de mon illusion. J’en conclu donc que ce que je ressentais ne ressemblait en rien à l’amour. Quant à Marco, il est égoïste et narcissique. Lorsqu’il me regarde, il ne voit que le reflet de ma soumission et de mon admiration et c’est cela qu’il aime en moi - pas moi, juste son reflet dans mes pupilles. Sauf qu’aujourd’hui, je me rends compte à quel point cette vision de moi me déplait et combien de temps j’ai perdu à cette relation.
Sortant un peu de ma réflexion, je me décide à regarder l’heure, peut être annonciatrice d’une heure raisonnable pour me lever. J’avais très envie de sortir me dégourdir les jambes, histoire de fluidifier par la même occasion le fil de mes pensées.
4h14
Pas vraiment l’heure d’une promenade.
Je me tourne à nouveau vers Marco. Il dort à point fermé. Il n’a jamais eu de problème de sommeil comme moi, il ferme les yeux et voilà, il dort. Pour cela, je l’envie. Mes nuits ont toujours été agitées et mes réveils définitifs, peu importe l’heure. Quand je pense que c’est lui qui m’a sorti du sommeil par ses gros ronflements, j’ai bien envie de le remuer pour me venger mais je ne veux pas réveiller le bel au bois dormant. Il risquerait de m’appesantir de reproches ou pire, de me regarder avec l’air hautain qu’il sait si bien m’adresser. A la place, je me décide à me lever. Je prend mon sweat-shirt et ouvre la fermeture éclair me séparant de l’extérieur. Si on m’avait dit un jour que je dormirais dans une tente, séparée de l’extérieur par une simple fermeture éclair, j’aurais certainement répondu que c’était mal me connaitre, moi qui suit si peureuse et que le moindre bruit affole. Et pourtant, je l’ai fait, par besoin de vacances peut-être et surtout, parce que Marco n’arrêtait pas de se moquer de mes peurs. Pleine de fierté, je ne voulais pas lui donner raison.
A cette heure-ci, le soleil n’est pas encore levé et la brume caresse encore le sol de son nuage humide donnant ainsi au paysage un air lugubre. Le calme règne dans le camping déserté par les vacanciers d’août et de juillet, partis faire leur rentrée depuis plusieurs jours. Peu d’emplacements sont occupés et une partie est abandonnée rendant la nature plus envahissante encore. L’établissement se situe dans une grande forêt de pins offrant à ses clients l’aventure en pleine nature, comme le spécifie leur brochure. Carrément réussit ! L’apparence sauvage me fout carrément les boules !
Les lumières sont rares et l’obscurité règne. Le vent souffle dans les branches des hauts pins et quelques grognements de campeurs endormis complètent ce tableau peu rassurant. Le matin est glacial à cette époque de l’année. Un frisson parcourt le bas de mon dos. J’enfile mon gros sweat-shirt et allume mon portable afin de retrouver dans le noir le chemin de gravier blanc qui parcourt le camping.
Peu sûre de moi, je m’avance dans l’allée en direction des toilettes. J’espère ne pas me tromper de chemin. Nous sommes arrivés hier. Le plan du camping n’est pas encore net dans ma tête et le dédale des allées ne facilite pas mon repérage.
Pour ajouter à mon inquiétude, les sons de la nature ont quelque chose d’effrayant… surtout quand on ne voit pas ce qui nous entoure.
« Bon sang! Je suis une adulte, je ne vais quand même pas avoir peur du noir » me dis-je à voix haute, tel un coach encourageant son protégé.
Soudain, un bruit sur la droite me fait sursauter. Je me tourne pour regarder mais le lieu vide est absorbé par les ténèbres et je ne peux percevoir ce qui en est à l’origine. Mon coeur, qui a connu un arrêt de quelques secondes, palpite désormais fortement. Quelque chose semble remuer les épines de pin accumulées sur le sol mais je ne prends pas le temps d’analyser plus amplement ce bruit. J’accélère le pas pour me diriger vers la lumière des sanitaires que je vois un peu plus loin. Enfin rassurée par le semblant de sécurité que m’apporte l’éclairage, je rentre dans le bâtiment et me dirige vers les douches - un lieu plus clos que les WC, directement ouverts sur l’extérieur.
« Quelle trouillarde, je fais! C’est la nature et y a sûrement des animaux partout! Arrrgghhh! »
J’entends alors une douche couler et mon regard se tourne immédiatement vers l’horloge accrochée au mur : 4h56. Qu’est-ce qui peut bien activer la douche à cette heure-ci? Le coeur encore palpitant de trouille, je me mets à genoux et penche ma tête sur le sol afin d’entrevoir ce qui fait couler l’eau. Fort heureusement, les portes et les séparations des douches sont surélevées d’une vingtaine de centimètres laissant entrevoir des pieds…ouf! Certes velus et sacrément grands ! Mais bel et bien des pieds humains et non le vide spectral qui aurait été la cerise sur le gâteau de mes peurs infantiles.
« Je peux vous aider? »
Un nouveau sursaut me prend. Ce soir, mon coeur est mis à rude épreuve. Je tourne la tête afin de remonter le corps perché sur les grands pieds velus qui maintenant sont sorties de la douche. Un grand homme dans mes âges se dresse devant moi les poings serrés sur les hanches, la tête penchée et le regard interrogateur. Je me redresse rapidement, gênée de paraitre plus voyeuse que peureuse.
« Je suis désolé, c’est juste que les bruits à cette heure-ci et l’obscurité m’ont un peu fait perdre mon bon sens. » lui répondè-je confuse.
Ce grand brun au regard sombre comme la nuit me dévisage l’air amusé.
« Je suis désolé de vous avoir fait peur. C’est vrai qu’on est en pleine nuit mais je ne suis pas bon dormeur » me dit-il avec un petit rire rauque trahissant son malaise.
Il tourne alors son regard sur moi dessinant un sourire rassurant sur ses lèvres. Nos regards se croisent et pendant plusieurs secondes nous nous regardons sans vraiment parler. Je suis comme absorbée par ses yeux d’un noir si sombre. Mon coeur a repris ses palpitations plus fortes.
« Je m’appelle Arthur. »
« Léa. »
Arthur est un grand homme pâle aux cheveux brun hirsutes. L’eau de la douche ne leur a pas enlevé leur vigueur et il flotte autour de son visage d’une manière si désordonnée qu’on a l’impression que le vent souffle autour de lui. Son visage est marqué par un nez imposant et une cicatrice sur la mâchoire se dessine au milieu de sa barbe naissante. Petites rides au coin des yeux marquées par le soleil - sourcil généreux - mâchoire marquée. Cet homme ne porte qu’une serviette accrochée à ses hanches. Larges épaules - musculature fine - torse couvert de poils. Que de poils sur cette homme ! On dirait qu’il n’en font qu’à leur tête! Bien loin des muscles ronds et de la peau scrupuleusement épilée de Marco. Pourtant, mon coeur palpite et une léger émoi a remplacé la peur. Arthur a les joues qui rougissent et je me rends compte avec quelle impudeur je suis entrain de le regarder. Petite mateuse ! Je détourne alors les yeux sentant à mon tour mes joues chauffer.
« Alors vous avez eu peur à cause du bruit de la douche? » me demande-t-il pour briser le silence.
« Oooohh non! » répondè-je précipitamment. « C’est juste que j’ai entendu de drôle de bruit dehors alors j’étais sur le qui-vive. C’est ridicule, je sais. Ça doit être des animaux.»
« La nuit a de quoi nous faire des frayeurs, parfois. Moi aussi, j’ai été réveillé par un bruit. J’ai cru qu’on venait de gratter à ma tente. » Arthur riait de bon coeur et cela me fit sourire.
« Et c’était quoi? » lui demandè-je, quand même intriguée.
« Certainement une branche qui a du s’envoler et atterrir sur ma tente, il y a beaucoup de vent ici. »
« Oui c’est vrai. Et bien! Me voilà rassurée » lui dis-je alors en lui décochant un clin d’oeil. Ben oui, tu croyais qu’un spectre frottait les tentes? Andouille!
« Tant mieux si j’ai pu aidé ».
Sur ces mots, Arthur se retourne, me laissant ainsi deviner les petites fesses qui se dessinent sous la serviette et qui me font sourire involontairement. Il sort ses affaires et part vers l’extérieur. M’appuyant sur une porte, je souffle un coup et reprend un peu mon calme. Je crois qu’il est temps que j’aille aux toilettes et que je retourne à la tente.
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